Humeur d’un vieux mûrier en décembre
Mes chers amis, tous les humains
À quoi ressemblera demain
Je ne sais pas, mais quel été
Dans les collines et la forêt !
Quel plaisir d’y voir tant de gens
Se promener, passer du temps.
J’ai donné mon ombre avec bonheur
À de très nombreux visiteurs
Et je savoure pleinement
La joie retrouvée de tous ces gens
Et le plaisir que me procure
Leur beau retour à la nature.
Moi le mûrier je trouve bien
Que les élus des humains
Se réunissent et mettent à plat
Le cas de la Terre et du climat
Même si le problème est immense
Il faut au moins en prendre conscience
Même si tout ce qu’ils font
N’est pas la vraie solution.
Moi et mes copains les taiseux
Nous devenons éco-anxieux
Quand au bout de nos racines parfois
Ça pique un peu et il fait soif.
L’avenir nous effraie, eau mon Dieu
Inondations, sècheresses, feux
Nos ennemis guettent, eau mon amour
Et la vie est en danger tous les jours.
Je suis un arbre je suis solide
Mais à la base je suis liquide
Je veux ma ration d’eau de pluie
Pour exister eau ma vie !
L’anthropocène se déploie
Et Sapiens trace sa voie
Accomplissant son règne sans détour
Rapetissant la Terre sans retour.
Eau mon Dieu, tu manques à l’Espagne
Mais tu tourmentes l’Allemagne
Eau mon Dieu, tu quittes l’Afrique
Et tu débordes depuis l’Artique
Eau vieillesse qui ride le monde
N’as-tu vécu tristesse aussi profonde ?
Eau mon fluide, couleras-tu demain
Dans les vergers près des chemins ?
Nous les arbres, nous continuerons
À fabriquer les ocres d’automne
À bruisser sous la brise d’octobre
Pour murmurer d’une voix sobre
Les échos soufflés par le vent
Qui font frissonner les enfants.
Nous les végétaux, les immobiles
Nous voulons bien embellir vos villes
Nous voulons pour tous sauver de l’air
Nous voulons partout souffler du vert
Nous ferons à chaque saison
De toutes les couleurs une explosion
Nous serons là pour vous protéger
Et vous transmettre la beauté
Celle du vent dans nos feuillages
Du ciel ancré dans le paysage
De nos noueuses silhouettes
Découpant l’hiver d’un coup sec
Nous vous offrirons la beauté
La profusion des fleurs de vergers
Nous vous offrirons la rosée
Généreuse larme versée
Au cœur de la nature blessée
Et qui pourra un temps étancher
La soif de l’homme, infinie.