Bonjour c’est moi le mûrier 

Je me suis tu depuis novembre 

Et le mois de janvier est là 

Qui souffle ses flocons.

Les crocs de l’hiver 

Tentent de laisser leurs  traces

Les hommes se courbent un peu plus

Emmitouflés, ils regardent leurs pieds 

Et pensent à juillet,

Impatients des premières accalmies 

Rêvant de forêts bourgeonnantes.

Nous les arbres n’avons pas 

Le même rapport au temps

Rien ne presse et l’instant nous suffit

Dépouillé, je laisse le soleil 

Réchauffer un peu la terre 

Quand il daigne briller

Dans quelques mois je ferai de l’ombre

Voilà une de mes utilités

Je suis une clim réversible.

J’ai contemplé la neige

Emplir le paysage

D’une nouvelle virginité,

Immobile malgré les chatouilles.

J’ai aussi reçu quelques bourrasques,

Impassible et ployant légèrement 

Par politesse, par respect dû au vent.

J’ai vu aussi sans greloter

Quelques flaques se recouvrir

D’une fine couche craquelante.

Comme d’habitude, l’hiver fait 

Son travail consciencieusement.

Mais alors que l’année démarre 

Le ciel ne nous envoie pas que des flocons

J’entends parler de ce virus

Ces petits organismes agiles

Qui font plier l’humanité 

Qui détraquent toute la machinerie 

Qui délient la société humaine 

Qui dénouent les liens de la convivialité 

Qui s’abattent sur les plus fragiles 

Est-ce une semonce ?

Est-ce une vraie guerre ?

Espérons que nos amis les hommes 

Sauront agir après avoir réagi,

Prendront la bonne mesure 

De leur responsabilité.

Après tout, ce sont les maîtres 

Incontestés de la Terre

Ils en détiennent chaque parcelle 

Mais pourtant, malgré tout,

Et c’est presque surprenant,

Ils n’y font pas encore 

La pluie et le beau temps !

Nos amis les hommes 

Doivent apprendre l’humilité.

Nous les arbres,

Et le figuier et l’olivier

Sont d’accord avec moi,

(Ils sont toujours d’accord avec moi)

Avons de la compassion,

Du haut de nos branchages bienveillants 

Nous espérons vous revoir nombreux 

En bonne santé,

S’attablant et s’attardant 

Sur la pelouse et les fauteuils 

Du Mas Redortier.

Bonne année de la part du vieux mûrier …